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 Les « Malgré-Nous »

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lazarus
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lazarus


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MessageSujet: Les « Malgré-Nous »   Les « Malgré-Nous » Icon_minitimeLun 29 Jan - 1:44

Paria de l’histoire

Plus de 130 000 Alsaciens-Mosellans ont été incorporés de force. Aucune autre région en France n’a vécu un tel drame. Traîtres ou victimes ?

Le mercredi 27 août 1997, une Marseillaise s’élève entre les tombes du cimetière de la petite ville de Kirsanov en Russie. Jean Pierre Masseret, secrétaire d’Etat aux anciens combattants, dévoile une plaque à la mémoire des 347 « Malgré-Nous » enterré là. L’événement est historique.
C’est la première fois qu’un ministre français se recueille ici pour rendre aux incorporés de force l’hommage que les leurs attendaient plus. Autour de lui, beaucoup parmi les soixante-dix pèlerins venus d’Alsace et de Moselle, ne peuvent s’empêcher de pleurer. Tous ont un père, un frère ou un ami qui a été emprisonné au camp de Tambov, avant d’y mourir et d’être enseveli dans l’anonymat de cette fosse commune. « Il faut que notre nation se réapproprie la mémoire de ces hommes » affirme Jean Pierre Masseret, lorrain d’adoption. « Ils étaient attachés à la France, aux valeurs de notre République, nourris à l’idéal de liberté, égalité et de fraternité. Le tragique de l’histoire les a amenés là ils ne voulaient pas aller, sous un uniforme qu’ils ne voulaient pas porter. Il faut dire que ces soldats étaient des citoyens français et qu’ils appartiennent à l’histoire »

Des fidèles de Hitler

Tout commence avec la convention d’armistice, signée à Rethondes, le 22 juin 1940. Elle ne comporte aucune disposition concernant l’Alsace-Lorraine. Hitler en a voulu ainsi. Il veut éliminer le plus rapidement possible toute autorité française et remet l’administration aux Gauleiters (chef de district) des provinces voisines. Il rattache le Bas et le Haut-Rhin au Gau de Bade et la Moselle à celui de Sarre Palatinat, appelé bientôt Westmark. Le Luxembourg – dont la souveraine et le gouvernement ont gagné Londres – est absorbé par le Gau Moselland. Pour les cantons belges d’Eupen et de Malmédy, le Führer procède plus ouvertement : un décret (8 mai) annexe purement et simplement ce petit territoire de dialecte germanique que le Reich avait dû abandonner en 1919 au traité de Versailles. Les Gauleiters sont des satrapes jaloux de leur pouvoir et de vieux fidèles de Hitler. Celui-ci leurs a donné pour mission de faire de leurs domaines « des territoires pleinement allemands dans un délai de dix ans. ». Pour parvenir à cette germinasation forcée, les Gauleiters disposent d’une « grande liberté d’action ».

o En Moselle, Josef Burckel, très impulsif, fait place nette en expulsant avec brutalité 100 000 habitants francophones.

o Au Luxembourg. Gustav Simon déploie son zèle à surpasser ses collègues en tentant de briser la conscience collective de la petite nation.

o En Alsace, Robert Wagner, patriote fanatique, ne tolère pas que ses administrés restent à l’écart des combats.

Rappelons que par mesure de faveur les prisonniers militaires français originaires d’Alsace-Moselle avaient été libérés et renvoyés chez eux, à l’exception des officiers d’active. 3Les familles germaniques qui ne prennent pas part au grand combat de la liberté menée par l’Allemagne en vue de la réorganisation de l’Europe, en y envoyant au moins un de leurs fils, perdront la conscience de leur valeur ». Des affiches proclament : « La place de la jeunesse est au front du Casque d’Acier ». Une circulaire particulière invite les fonctionnaires à s’engager.

Service militaire obligatoire

Deux mille volontaires répondent à l’appel. C’est trop peu. Un décret, signé en mai 1941, introduit le service du travail. Les jeunes sont assujettis, dans un camp du Reich, à une formation toute militaire. Wagner, soucieux d’accélérer le processus d’assimilation, propose alors un envoi général au front. L’état major est d’abord réticent : il considère ces éléments trop peu sûrs ! Mais après les lourdes pertes de l’hiver 41-42, il révise sa position, tout en réclamant, par pur formalisme, que la mobilisation soit précédée d’un changement explicite de nationalité. La décision sera finalement prise le 9 août 1942. Seize jours plus tard, une ordonnance du ministre de l’intérieur confère « aux Alsacien, Lorrains et Luxembourgeois de souche allemande qui sont ou seront incorporés dans la Wehrmacht ou la Waffen SS ». De leur côté les Gauleiters décrètent « l’introduction du service militaire obligatoire dans l’armée allemande ». Le 25 août en Alsace, le 29 en Moselle, le 30 au Luxembourg. Pour Eupen-Malmédy, la mesure avait été prise dès février. Wagner triomphe : « l’Alsace doit gagner au combat sa place dans la nouvelle Europe ».

Vive émotion

Ces mesures suscitent une vive émotion dans les régions concernées. Une grève éclate au Luxembourg. Elle est réprimée dans le sang. En Alsace, l’établissement d’une zone interdite en bordure de la frontière, n’empêche pas des centaines de jeunes de traverser les Vosges. D’autres se cachent. Des réfractaires retrouvés ici ou là sont fusillés. Leurs parents sont automatiquement déportés. En conséquence la plupart se soumettent. Ils craignent surtout depuis le 1er octobre 1943 des représailles contre leurs proches (depuis cette date une ordonnance consacre la responsabilité collective de la famille en cas de défaillance d’un appelé). Au total 100 000 alsaciens et 30 000 lorrains seront incorporés de force. Sans oublier 12 500 luxembourgeois et 8 700 belges.

Après un entraînement rude et accéléré, ces nouvelles recrues sont dispersées sur tous les fronts d’Europe. Beaucoup meurent au combat, certains parviennent à déserter ou sont faits prisonniers. A Tambov, en Russie centrale par exemple. Dans un camp, près de cinq mille « Malgré-Nous » y finiront leur vie. L’incorporation de force aura finalement coûté à l’Alsace-Moselle 40 000 de ses fils, au Luxembourg 3 500 et à la Belgique 2 000.

Un bilan très lourd. Cette souffrance morale et physique ne peut être oubliée. Comme une plaie mal cicatrisée, elle s’ouvre à chaque fois, devant l’incompréhension, l’ignorance, parfois la mauvaise foi ou pire encore , le refus de reconnaître l’évidence, voire l’indifférence d’une nation qui s’insurge contre ce particularisme.
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